Nous étions loin d’être 50 % et pourtant...

On a vraiment douté, on n’y croyait pas !
Allez, c’est vrai quoi : en tout logique, il faut être au moins 50 % pour que ça change et
On avait ni l’autorité suffisante (ou l’envie) pour l’imposer, ni même la confiance “des autres”...
Mais on avait complètement sous-estimé notre force de “minorité active”

Généralement, les individus se conforment pour éviter de se distinguer. Ils rejettent l'idée de se voir associés à un individu ou à une minorité "déviante". Ce qui pose de nombreuses questions quant à l’émergence du changement, à l’innovation…

C'est Moscovici qui va initier les travaux sur l'influence minoritaire. Son ambition est d'offrir une théorie de l'influence qui puisse rendre compte des faits historiques tels que le développement du féminisme, la révolution copernicienne ou encore l'impact de Martin Luther King, Galilée, Nelson Mandela...

Ce qui a tout changé, c’est quand nous avons cessé de nous considérer comme déviants et que nous avons accepté d’être une minorité active !
Fini de nous définir de manière négative et/ou pathologique par rapport au code social dominant. Nous avons créé nos propres codes et les avons proposés aux autres à titre de modèle ou de solution de rechange.
Nous n’étions plus des “objets déviants” mais des sujets actifs !

Bon c’est vrai que ce ne fut pas confortable, car il a fallu accepter de vivre dans “le conflit”. En tout cas temporairement, pour montrer à la “majorité” que nous n’allions pas lâcher. Que nous n’allions plus faire de “courbe rentrante” pour revenir à la conformité. Et ce même si ça créait un malaise.

Notre comportement ferme et confiant de minorité a instauré le doute, a attiré l'attention. Il a annoncé que le seul moyen de sortir du conflit consisterait à prendre en considération notre point de vue.

Voilà que la majorité bousculée a été obligée de s’interroger sur ses positions, sur “sa normalité”. Et vous savez quoi, plus on s’interroge, plus on est obligé de le faire et plus on est prêt à changer d’avis ;-)
Et puis, on n’avait pas imaginé non plus qu’on faisait rêver secrètement autant de gens. Publiquement, pour ne pas “dénoter”, la plupart ne disaient rien, mais en aparté, nous recevions de nombreux témoignages de soutien… je pense qu’il y avait une part “d’admiration” en fait…

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Quand 5% de la population agit différemment...

A l’Université de Leeds, en Angleterre, des chercheurs anglais se passionnent depuis des années pour les mécanismes par lesquels les animaux donnent forme à leurs comportements de groupe : les nuées d’oiseaux ou d’insectes, les bancs de poissons, les troupeaux de buffles, de moutons... tous capables de prendre des décisions collectives sans pourtant jamais se parler !
Pour voir s’il en allait de même avec les humains, ils ont demandé à deux cents volontaires de marcher dans un immense hall en tous sens, mais sans jamais être à plus d’une longueur de bras d’une autre personne. Seules dix personnes avaient reçu - séparément - des instructions sur une direction à prendre dans leur marche. Or, au bout de quelques minutes tout le groupe adoptait la même direction et devenait parfaitement organisé. Sans un seul échange de paroles, ni aucune suggestion préalable de "faire comme les autres".
Cinq pour cent !!
Si 5% d'entre nous se mettait à montrer une voie plus respectueuse de l'environnement et des autres humains et non-humains, nous pourrions contribuer à changer le comportement d’une société entière. Ces phénomènes d’auto-organisation se produisent sans qu’un chef ne commande la direction à prendre. Tous les individus finissent par suivre ceux qui ont la plus forte motivation à aller dans un certain sens. Dans l’expérience de Leeds, les 10 personnes ayant déterminé une direction avaient donc une motivation plus forte à s’y rendre
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Après coup, voici quelques astuces qui nous ont permis de tenir bon

  • S'entourer de complices (même peu) pour devenir une minorité d'influence
  • Travailler ses zones d'optimisme pour
    • Garder de la constance : elle se veut aussi bien « interne » (ou intra-individuelle : la personne semble convaincue de ce qu'elle affirme) que « sociale » (ou inter-individuelle : le groupe minoritaire adopte une position ferme et valide). Une minorité unie, cohérente et constante est beaucoup plus efficace face à la majorité.
    • Garder de la confiance : avoir confiance en soi ou, en tout cas, en donner l’impression est beaucoup plus convaincant. Une minorité confiante est plus efficace face à la majorité.
  • Chouchouter les personnes qui quittent la position de la majorité pour se rallier à celle de la minorité, car elles sont encore plus influentes que celles qui ont initié le mouvement d’innovation. De plus, une fois qu’un individu rejoint l’avis de la minorité, les autres suivent relativement vite. On peut parler d’une sorte d’effet « boule de neige ».
  • Créer des moments de discussion, ce qui permet d’exposer plus d’arguments. La minorité peut alors avoir plus d’une occasion d’exposer son point de vue, ce qui augmente ses chances de convaincre et oblige encore une fois la majorité à s’interroger sur sa position.

Ce texte en CC BY SA a été rédigé par Gatien Bataille et fait partie des contenus de cours de la formation “Animer de projets collectifs” => https://culturepointwapi.be/formation

Sources